correspondant agoravox

samedi 25 novembre 2017

A VOIR: LE SECOND EMPIRE OU L'AUBE DE LA MODERNITE, par l'association "Des auteurs et des voix".

            A travers textes et chansons, la fresque réussie d'une France qui change.

L'association DES AUTEURS ET DES VOIX de BURES SUR YVETTE propose des lectures publiques de textes sur un thème donné. Après avoir évoqué par cette méthode en 2014 la dure vie des poilus dans les tranchées en 14-18 , puis en 2015 ce bel âge pas toujours facile à vivre qu'est la jeunesse, et  nous avoir entraîné en 2016  dans un salutaire  « Voyage au Siècle des Lumières », Arlette Calloud et ses complices nous proposent pour la saison 2017-2018 une évocation, à travers textes et chansons, du Second Empire. Projet intéressant, car on parle peu  aujourd'hui, de cette période, qui a pourtant fait naître, selon le mot de Gambetta , "une nouvelle France".

Nous avons pu assister à la séance proposée à Bures sur Yvette  le 24 novembre 2017.

Pendant 1h45 , Arlette Calloud, Jean Lallot, et Bruno de Monès, à travers textes et  aussi chansons (jolie performance en la matière de ce dernier), réussissent une belle fresque de cette période, qui débute après la Révolution de 1848, avec l'accession au pouvoir de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, et s'achève avec le fiasco de la guerre franco-prussienne de 1870 qui met fin à l'Empire. Tout ou presque y est: l'exil tonitruant de Victor Hugo, le mode de vie luxueux de la cour impériale, la dure condition des mineurs ou des canuts de Lyon, les premiers pas du marxisme, la transformation radicale de Paris sous la direction du préfet Haussmann, l'essor des grands magasins

                                 Arlette Calloud, Jean Lallot  et Bruno de Monès sur scène.

(au détriment des petits), le goût du divertissement chez les Parisiens qui se traduit par l'essor des théâtres, la censure politique (interdiction de journaux hostiles au pouvoir) et morale (Mme Bovary de Flaubert et Les Fleurs du Mal de Baudelaire mis en cause); la pudibonderie de l'époque voisinant avec certaines moeurs dissolues ; le développement de la photographie; l'essor d'une nouvelle forme de peinture, qu'on appellera impressionniste, rejetée par l'Académie, et la création du salon des Refusés; le succès de la musique d'Offenbach, la désastreuse guerre de Crimée, les promesses du progrès technique....
On replonge, par les textes, dans une époque, dans ce qui l'anime, l'agite. Une vivante leçon d'histoire.
On imagine l'énorme travail de recherches de textes en amont de la part d'Arlette et  Jean-Marc Calloud, qui s'en sont chargés.

Des textes articulés avec gourmandise...

Et puis, il y a le plaisir  des  textes, articulés avec gourmandise et efficacité par 3 lecteurs expérimentés. Ceux notamment des plus grands:  Lamartine, Hugo, Zola, Flaubert, Baudelaire... Le plaisir aussi de découvrir quelques "perles", moins connues, comme cette évocation pleine d'esprit des fêtes impériales par Maxime du Camp.

La belle voix grave de Bruno de Monès, interprète des chansons, a été remarquée.

La séance se déroule selon une conception bien rôdée:
les textes, nombreux, s'enchaînent naturellement , sous une forme souvent dialoguée;   des intermèdes  musicaux enregistrés bienvenus créent une sorte de respiration entre les phases de lectures ; la bande sonore comporte aussi quelques indications contextuelles utiles. Et cela fonctionne: l'attention extrême du public était ce samedi 24 novembre le signe  même du succès!

A ne pas manquer, donc.

NB: dans une séance antérieure, l'après midi, une version allégée de ce programme, d'une durée d'1h20, avait été proposée avec succès à 85 personnes, dont deux classes de 2e des lycées d'Orsay et de Gif sur Yvette. D'autres séances pour scolaires sont en préparation.

                  PROCHAINES REPRESENTATIONS:
             
             * VENDREDI 12 JANVIER à 20H30 à la MJC Cyrano de GIF sur YVETTE.

             * DIMANCHE 25 MARS à 16h30 à la maison Jacques TATI à ORSAY

                  INSCRIPTIONS RECOMMANDEES auprès d'Arlette CALLOUD.
                  
                  TOUS RENSEIGNEMENTS SUR LE SITE DE L'ASSOCIATION:

                                            https://desauteursetdesvoix.jimdo.com/



PS : Un petit bémol cependant : de cette peinture d'une époque à travers les textes parus à ce moment là se dégage finalement une image plutôt négative - assez traditionnelle d'ailleurs -  de celle-ci, qui me semble contredire un peu l'intitulé du spectacle. Les écrits cités émanent souvent d'une opposition républicaine frustrée par l'échec de la révolution de 1848, dont la plus grande voix est celle de Hugo. Et peut-être les écrivains, comme les journalistes, ont- ils tendance à parler plutôt de ce qui ne va pas. Les travaux d'Haussmann par exemple sont jugés au prisme des expulsions inévitables, ou des profiteurs qui rachètent les maisons pour empocher les dédommagements de l'état. Mais dédommagements il y a eu! Oui, bien sûr, il est plus difficile de monter des barricades dans de larges avenues, mais Napoléon III , en Saint Simonien convaincu, avait théorisé l'idée d'une capitale organisée et saine, ainsi conçue. Et c'est bien Haussmann qui a fait de Paris la plus belle ville du monde ! La construction de l'opéra née de la crainte d'un attentat, après celui d'Orsini? Un peu réducteur, peut-être... Les notations positives, au fil des lectures, sont furtives: ah tiens, Napoléon III est intervenu lui-même pour défendre l'œuvre de Manet, et permettre la création du salon des Refusés: un monarque éclairé alors? Ah, tiens, la princesse Mathilde a pris la défense de Flaubert et de sa Madame Bovary...Ah tiens, le régime a fait progresser l'école. On est presque surpris d'apprendre que Napoléon III a gagné haut la main deux plébiscites: le peuple était-il donc masochiste? Il faut attendre l'espèce d'hommage paradoxal du républicain Gambetta, une fois l'Empire déchu, pour corriger un peu l'impression: à l'issue de la période, "une nouvelle France est née!".

Peut-être ce jugement des textes est-il donc un peu injuste avec celui qui déclarait rechercher "l'extinction du paupérisme"(1) par la prospérité économique. Et prospérité il y eut, favorisée par une stabilité de l'état. Napoléon III avait des idées sociales, en bon Saint Simonien là encore, et, si l'on en croit les historiens, il a eu une politique sociale vis à vis des ouvriers. Sous son règne le sort des paysans s'est de plus  amélioré, et sous l'impulsion de Victor Duruy beaucoup a été fait pour l'instruction du peuple: nombre de mairies écoles ont été construites pendant cette période, les filles ont pu accéder à l'enseignement...Que dire encore? Un début d'industrialisation s'est produit. C'est à cette époque que les voies de communication en France se sont améliorées, et que le réseau ferré s'est développé...

(1) Louis Napoléon Bonaparte: "De l'extension du paupérisme" 1844.




2 commentaires:

  1. Un commentaire par mail de Danielle:
    Une belle analyse pertinente et fouillée de la lecture qui nous a été proposée .

    Oui, les notes positives sur l'époque sont peut-être trop "furtives", mais elles ont le mérite d'être bien là ! Oui le point de vue des révolutionnaires semble dominer  celui des réformateurs ...Les futurs sociaux-démocrates ...Qui ne vont pas assez loin?!
    De l'art de l'anachronisme!!

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  2. Un commentaire par mail:
    Merci.
    Je suis allée assister à leur spectacle à Bures.
    Extrêmement riche et intéressant. A consommer sans modération.
     
    J. Ruelle

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